dimanche 18 novembre 2007
05:40

Le livre de ma mère


Ecrit par Albert Cohen, et apparu sous les éditions folio. Hommage à toutes les mamans, jamais un livre ne m'a touché aussi profondément. c'est un livre boulversant, ce livre d'un fils à sa maman, et de tous les enfants à toutes les mamans du monde et de tous les temps.

"...Raconte ta mère à leur calme manière, sifflote un peu pour croire que tout ne va pas si mal qui ça, et surtout souris, n'oublie pas de sourire. Souris pour escroquer ton désespoir, souris pour continuer de vivre, souris dans ta glace et devant les gens, et même devant cette page. Souris avec ton deuil plus haletant qu'une peur. Souris pour croire que rien n'importe, souris pour te forcer à feindre de vivre, souris sous l'épée suspendue de la mort de ta mère, souris toute ta vie à en creuver et jusqu'à ce que tu en crève de ce permanent sourire."

"...Fils des mères encore vivantes, n'oubliez plus que vos mères sont mortelles. Je n'aurai pas écrit en vain, si l'un de vous, après avoir lu mon chant de mort, est plus doux avec sa mère, un soir, à cause de moi et de ma mère. Aidez-la mieux que je n'ai su aimer ma mère. Que chaque jour vous lui apportiez une joie, c'est ce que je vous dit du droit de mon regret, gravement du haut de mon deuil. Ces paroles que je vous adresse, fils des mères encores vivantes, sont les seules condoléances qu'à moi-même je puisse m'offrir. Pendant qu'il est temps, fils, pendant qu'elle est encore là. Hâtez-vous, car bientôt l'immobilité sera sur sa face imperceptiblement souriante virginalement..."

"...Louange à vous, mères de tous les pays, louange à vous en votre soeur ma mère, en la majesté de ma mère morte. Mères de toute la terre, Nos dames les mères, je vous salue, vielles chéries, vous qui nous avez appris à faire les noeuds des lacets de nos souliers, qui nous avez appris à nous moucher, oui, qui nous avez montré qu'il faut souffler dans le mouchoir pour y faire feufeu, comme vous nous disiez, vous, mères de tous les pays, vous qui patiemment enfourniez, cuillère après cuillère, la semoule que nous, bébés, faisons tant de chichis pour accepter, vous qui, pour nous encourager à avaler les pruneaux cuits, nous expliquiez que les pruneaux sont de petits nègres qui veulent rentrer dans leur maison et alors le petit crétin, ravi et soudain poète, ouvrait la porte de la maison, vous qui nous avez appris à nous garganiser et qui faisiez reureu pour nous encourager et nous montrer, vous qui étiez sans cesse à arranger nos mèches bouclées et nos cravates pour que nous fussions jolis avant l'arrivée des visites ou avant notre départ pour l'école, vous qui sans cesse harnachiez et pompomponniez vos vilains nigauds petits poneys de fils dont vous etiez les bouleversantes propriétaires, vous qui nettoyiez tout de nous et nos sales genous terreux ou écorchés et nos sales petits nez de marmots morveux, vous qui n'aviez aucun dégoût de nous, vous, toujours si faibles avec nous, indulgentes qui plus tard vous laissiez si facilement embobiner et refaire par vos fils adolescents et leur donniez toutes vos économies, je vous salue, majestés de nos mères. Je vous salue, mères pleines de grâce, saintes sentinelles, courage et bonté, chaleur et regard d'amour, vous aux yeux qui devinent, vous qui savez tout de suite si les méchants nous ont fait de la peine, vous, seuls humains en qui nous puissions avoir confiance et qui jamais, jamais ne me trahirez, je vous salue, mères qui pensez à nous sans cesse et jusque dans nos sommeils, mères qui pardonnez toujours et caressez nos fronts de vos mains flétries, mères qui nous attendez, mères qui êtes toujours à la fenêtre pour nous regarder parti, mères qui nous trouvez incomparables et uniques, mères qui ne vous lassez jamais de nous servir et de nous couvrir et de nous border au lit même si nous avons quarantes ans, qui ne nous aimez pas moins si nous sommes laids, ratés, avilis, faibles ou lâches, mères qui parfois me faites croire en Dieu."

1 commentaires:

Dodo a dit…

Il a aussi écrit "Carnets 1978" que je ne trouve toujours pas!!